Comment j'ai commencé à construire une maison et fini par coder un logiciel.
L'histoire d'un sketch sur serviette inutile, signé d'un architecte buveur d'eau à paillettes d'or, qui poussa un bricoleur à créer de toutes pièces un logiciel de conception de maisons à ossature bois, directement dans son navigateur.
Comment j'ai commencé à construire une maison et fini par coder un logiciel. Un conte d'amour, de bois et d'or liquide.
I. Le rêve : une maison en briques et l'homme qui semblait bâtir des châteaux en Espagne
Je rêvais d'une classique maison en briques, solide et honnête, comme celle de mes grands-parents. Pour concrétiser ce rêve, j'ai engagé L'Architecte. Ce n'était pas n'importe quel architecte. C'était une vision, une trentaine d'années, arrivé sur une moto qui ronronnait plus fort que mon ambition. Il avait l'air d'un jeune Antonio Banderas, si Banderas avait délaissé Hollywood pour l'urbanisme dans notre ville de province.
Lors de notre première réunion, il ne buvait pas seulement de l'eau. Il buvait de l'eau avec de vraies paillettes d'or dedans. Je vous jure, je n'exagère pas. Et c'est ce qu'il a bu. Il était là, dans mon futur salon qui n'était encore qu'un champ, sirotant du bling hydrologique, pendant que je parlais des vertus pratiques des murs en briques doubles.
II. Le virage : de la maçonnerie à l'ossature bois d'un geste doré
Je lui ai dit : « Je veux de la maçonnerie. Épaisse, thermique, fiable. Le genre de mur à travers lequel on n'entend pas sa belle-mère. »
Il a bu une gorgée gracieuse, les minuscules paillettes d'or captant le soleil. « Eh bien... ce n'est pas possible », a-t-il déclaré avec la sérénité d'un homme aux cheveux perpétuellement parfaits. « L'esthétique, le flux... cela exige l'ossature bois. Seul le bois peut atteindre cette poésie. »
Je l'ai regardé, sa moto, son eau de luxe, puis mes mains rugueuses qui avaient déjà bâti une cabane. « Très bien, ai-je pensé, mon ego DIY flaté. Ossature bois alors. J'ai construit une cabane dans les arbres. Comment dur peut être une maison entière ? »
III. Le « projet » : un napperon au prix d'un château
Le jour de la remise du projet est arrivé. Je m'attendais à un grimoire de plans techniques, de calculs structurels, de listes de matériaux détaillées — la bible de ma future maison.
Ce qu'il m'a remis, c'était un dossier d'un minimalisme profond. La première page déclarait, avec élégance : STRUCTURE OSSATURE BOIS. Les autres pages étaient... vierges. Sauf une seule, unique esquisse. Aussi détaillée qu'un gribouillis sur serviette après deux expressos.
« Et... avec ça, je vais chez un constructeur ? » ai-je demandé, ahuri.
« Exactement », a-t-il hoché, l'air de m'avoir remis l'équivalent architectural des Dix Commandements. « Le constructeur créera les vrais plans techniques dans un logiciel CAO. Ma vision est la graine. »
J'étais sans voix. J'avais payé une petite fortune pour une « graine » et une démonstration d'eau à paillettes. J'avais engagé Antonio Banderas et il m'avait vendu une métaphore.
IV. L'enfer DIY : l'année où j'ai tenté d'apprendre un logiciel CAO complexe (spoiler : c'était une tragédie)
Face au vide de mon « projet », j'ai ouvert le logiciel CAO. Ce petit cercle rouge infâme est devenu mon ennemi juré. J'ai tenté de tracer un simple mur. J'ai créé un cauchemar non euclidien qui aurait rendu H.P. Lovecraft vertigineux. Trouver le bouton « annuler » relevait d'une thèse de doctorat.
« Une année », ai-je murmuré à l'écran, mes rêves de maison simple s'effondrant. « Il me faudra un an pour apprendre à dessiner un rectangle qui ne ressemble pas à une patate triste. »
Puis, dans un éclair de rage pure et vengeresse, l'idée est née. Claire, belle, vindicative : « Et si... je n'apprenais pas ce logiciel antique et hostile ? Et si je construisais le MIEN ? Un logiciel qui sait que tu construis une MAISON, pas un vaisseau spatial ou une sculpture abstraite ? »
V. Naissance du monstre : du soubassement au toit en 60 secondes
Ainsi, des cendres de ma patience et d'un nuage de poussière dorée, mon logiciel vit le jour.
- Glisse un rectangle. C'est ta fondation. Un enfant pourrait le faire.
- BOUM ! Les murs s'emboîtent. Linteaux, montants, tout. Ce n'est pas du CAO. C'est du Lego numérique pour adultes furieux.
- Coût en direct : Tu redimensionnes un mur et il te hurle : « HÉ ! TU GASPILLES DE L'ARGENT ! AJOUTE 5 CM ET TU ÉCONOMISES 50 $ DE BOIS GRÂCE À UNE LONGUEUR STANDARD ! »
- Modifications globales : Un clic passe tous les murs du projet de « montant basique » à « assemblage allemand chic » et recalcule la liste complète des matériaux instantanément.
VI. Le choc des époques : mon marteau numérique contre son napperon doré
Le contraste est poétique :
Le constructeur old-school (plissant les yeux sur le napperon) : « On va juste commander plein de bois. On ne peut pas trop en avoir. »
Moi (navigateur ouvert) : « Le logiciel dit qu'on a besoin de 1 847 m de bois, 4 392 vis, et si on décale ce mur de 10 cm, on économise 3 % de chutes. Voici le PDF de la liste de débit. »
L'architecte (au téléphone, sûrement en achetant plus d'eau fancy) : « Il vous faudra un spécialiste pour dessiner les plans techniques... »
Moi : (clique sur EXPORTER TOUS LES PLANS & LDM. Va prendre un café pendant la compilation.)
Je n'ai pas seulement appris un nouvel outil ; j'ai bâti une nouvelle époque pour fuir l'ancienne.
VII. La morale : les meilleurs outils naissent dans les feux de la vengeance mesquine
Me voici. J'ai voulu construire une maison et j'ai fini par coder le futur du logiciel DIY construction, propulsé par le spite et une aversion profonde pour l'hydratation prétentieuse.
Mon nouveau rêve ? Que cet outil donne à chaque rêveur frustré, otage de « visionnaires » livrant de la poésie au lieu de plans. Voir un grand-père concevoir sa cabane de retraite en 20 minutes, sans jamais entendre « licence CAO ».
Au final, ma maison sera en bois, comme l'a décrété l'homme doré. Mais son âme, son plan même, sera fait de code — du code écrit parce qu'un homme buvant de l'eau à paillettes d'or pensait qu'un napperon suffisait.
Peut-être lui enverrai-je le lien de lancement. Avec une dédicace : « Inspiré par ton minimalisme. Alimenté par mon désespoir. Merci pour l'étincelle. »









